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Tunisie : la protestation noire, un deuil des droits face à la dérive autoritaire

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Tunis, 22 novembre 2025 – Des centaines de Tunisiens, vêtus de noir, ont transformé, aujourd’hui le samedi 22 décembre 2025, les rues de Tunis en une procession silencieuse et empreinte de tristesse. Ces habits sombres, portés comme un signe de deuil pour la démocratie, exprimaient leur rejet du « régime autoritaire » du président Kaïs Saïed et leur indignation face à l’incarcération de nombreux détracteurs, comme le montre le récent verdict contre l’avocat Ahmed Souab.

عاجل مسيرة ضد الظلم تنطلق من العاصمة إلى جهة غير معلومة

عاجل مسيرة ضد الظلم تنطلق من العاصمة إلى جهة غير معلومة

Publiée par ‎حي التضامن مباشر‎ sur Samedi 22 novembre 2025

Un deuil national pour les libertés

Cette « marche noire », organisée pour le 22 novembre 2025, était la réponse à un appel lancé par un groupe de partis politiques et de figures de la société civile pour protester contre ce qu’ils perçoivent comme une « privation des droits et libertés« . Les participants, brandissant uniquement le drapeau tunisien, ont scandé des slogans fédérateurs pour défendre les droits fondamentaux, en évitant tout embrigadement par un parti.

Cet événement s’inscrit dans un mouvement de contestation plus large face au blocage des institutions et à la répression des voix discordantes. Depuis que le président Saïed a concentré tous les pouvoirs entre ses mains en juillet 2021 – un acte que ses opposants considèrent comme un « coup de force » –, la Tunisie fait face à une diminution importante des droits civiques.

La condamnation de Ahmed Souab, l’élément déclencheur

La récente condamnation de l’avocat Ahmed Souab, une figure critique du gouvernement, a agi comme un catalyseur pour cette manifestation. Le 31 octobre 2025, un tribunal tunisien a jugé Souab, âgé de 68 ans, coupable et l’a condamné à cinq ans de prison, suivis de trois ans de « surveillance administrative », pour des accusations liées à la loi « antiterroriste ».

Son tort ? Avoir publiquement critiqué le déroulement d’un grand procès impliquant une quarantaine de figures de l’opposition, en affirmant que les autorités exerçaient « une pression inacceptable sur le juge ». Son propre procès, remarquablement bref, n’a duré que sept minutes, selon sa défense, qui dénonce une mascarade de justice et un précédent juridique inquiétant.

Un climat démocratique étouffé

Au-delà du cas Souab, la répression s’est généralisée. Des dizaines d’opposants politiques, de journalistes et d’avocats sont poursuivis en vertu du décret-loi 54, une loi qui pénalise la diffusion de « fausses informations » sur les réseaux sociaux et qui est régulièrement critiquée par les organisations de défense des droits de l’homme.

Capture d’écran d’une vidéo publiée par Al-Qaïda

Le monde des médias n’est pas épargné. Les autorités ont récemment ordonné la suspension d’un mois de Nawaat, l’un des principaux organes de presse indépendants du pays. Le Syndicat national des journalistes tunisiens (SNJT) a dénoncé une « escalade dangereuse dans les tentatives de faire taire le journalisme indépendant ».

Sur le plan politique, la réforme du système menée par Kaïs Saïed a considérablement affaibli les contre-pouvoirs. L’adoption d’une nouvelle Constitution donnant beaucoup de pouvoir au président et d’une loi électorale favorisant le scrutin uninominal a mis de côté le rôle des partis politiques et a conduit à l’élection d’un Parlement aux pouvoirs très restreints. Les élections législatives de 2022-2023, marquées par un taux de participation historiquement bas, ont confirmé ce remaniement du pouvoir.

L’émergence d’une opposition unie

Face à cette concentration des pouvoirs, l’opposition, autrefois divisée et fragmentée, semble reprendre de la vigueur en s’unissant. La manifestation d’hier s’inscrit dans la dynamique de l’« Engagement patriotique« , une initiative citoyenne et politique lancée le 15 octobre 2025.

Cette charte nationale commune, signée par différentes forces politiques et sociales, appelle au rétablissement de l’État de droit, à la séparation des pouvoirs, à l’annulation des décrets liberticides et à la libération des prisonniers d’opinion. Il est important de souligner que cette initiative a le mérite de rassembler des sensibilités autrefois opposées.

En réprimant sans distinction toute voix critique, le régime semble avoir involontairement gommé les anciennes divisions et fait émerger un front commun pour la défense des droits fondamentaux.

Alors que la Tunisie traverse une période difficile, la « marche noire » du 22 novembre est bien plus qu’une simple manifestation. Elle témoigne d’une société civile qui, malgré la peur et la répression, refuse d’abandonner et tente de trouver, dans l’unité, une voie pour retrouver sa démocratie.

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