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Énergie. Tunisie : vent de colère contre l’hydrogène vert
La Tunisie veut développer la production d’hydrogène vert pour en exporter vers l’Europe. Mais cette stratégie nationale, qui mobilisera des éoliennes, des panneaux photovoltaïques et de grandes quantités d’eau, suscite des tensions. Ses opposants estiment que le pays devrait d’abord consacrer sa production d’électricité à sa population.
Depuis plusieurs mois, la Tunisie signe à tour de bras des accords avec des entreprises, essentiellement européennes, pour la production et l’exploitation d’une nouvelle énergie en vogue : l’hydrogène vert. À la fin de mai 2024, un consortium formé par le français TotalEnergies, Eren Group et le leader autrichien de l’électricité, Verbund, a signé un accord en ce sens avec le gouvernement tunisien. Il permettra l’exportation de l’hydrogène vert via l’Europe centrale à travers des pipelines, note le site d’opinion Africa Is a Country.
Dans sa phase initiale, le projet ambitionne de produire 200 000 tonnes par an, avec l’objectif d’atteindre à terme 1 million de tonnes. “Un nouveau colonialisme vert”, fustige Africa Is a Country, qui estime que l’Union européenne “pousse à une économie de l’hydrogène vert où elle domine les chaînes de valeur et les technologies, tout en externalisant les coûts socio-environnementaux vers les périphéries”. Ce qui s’apparente à une volonté de faire de l’Afrique “une batterie” électrique.
De potentielles conséquences sociales
En effet, certains militants tunisiens pensent que l’État, dans son va-tout vers l’hydrogène vert, ne tient pas compte de ses effets potentiellement négatifs sur le plan social, notamment en matière de consommation d’eau et de déplacements de populations.
La production d’hydrogène vert s’effectue par électrolyse de l’eau. Elle nécessite donc de grosses capacités en énergie renouvelable (du solaire et de l’éolien) pour créer de l’électricité bas carbone, et est très gourmande en eau. La production tunisienne pourrait ainsi mobiliser jusqu’à 248 millions de mètres cubes d’eau dessalée d’ici à 2050, ce qui équivaut à la consommation annuelle de la moitié de la population nationale. Un chiffre qui inquiète, dans la mesure où le pays souffre d’un manque cruel de ressources hydriques.
Par ailleurs, les ambitions de la Tunisie en matière de production d’hydrogène vert nécessiteraient l’exploitation, dans le sud du pays, de 500 000 hectares, soit deux fois la superficie de la capitale et de ses environs réunis, pour l’implantation d’éoliennes ou de panneaux photovoltaïques.
“Plutôt que de donner la priorité aux investissements nationaux dans les énergies renouvelables pour produire de l’électricité verte et combler son déficit, le gouvernement prévoit d’utiliser cette électricité pour produire de l’hydrogène vert destiné à l’exportation vers l’Union européenne”, écrit le site, qui rappelle que la Tunisie a importé, en 2022, 50 % de l’énergie dont elle avait besoin.
La GIZ cristallise les critiques
Le 24 avril dernier, plusieurs associations, dont le mouvement Stop Pollution, ont profité d’une manifestation propalestinienne pour exprimer leur colère contre la GIZ, l’Agence de coopération internationale allemande pour le développement. Celle-ci aurait, selon les militants, façonné la stratégie tunisienne pour l’hydrogène vert.
Conformément à cette stratégie, la Tunisie voudrait exporter 6 millions de tonnes d’hydrogène vert par an d’ici à 2050. Selon le secrétaire d’État à la Transition énergétique tunisien, Wael Chouchane, la stratégie vise également à combler le déficit énergétique.
Le journal d’État La Presse, pour qui “la Tunisie est à la conquête de l’Europe”, se passionne pour cette stratégie, qui fera du pays “le principal site dans le monde pour développer l’hydrogène vert”.
Dans un communiqué publié le 30 mai dernier et relayé par le site d’information Ultra Tunisia, le Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux se montre en revanche très critique. Il estime que, dans ce dossier, l’Europe et la Banque mondiale ne voient en la Tunisie “qu’un réservoir énergétique pour l’Europe et les pays du Nord, manifestant clairement le dessein d’exploiter les ressources du pays sans apporter de bénéfices au modèle de développement national”.
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