Politique
Tunisie : Une procédure judiciaire controversée dans l’affaire du « complot contre la sûreté de l’État »
La cinquième chambre criminelle du tribunal de première instance de Tunis a décidé de juger à huis clos et à distance les détenus dans l’affaire dite du « complot contre la sûreté de l’État », sans les amener physiquement devant la cour. Cette décision, qualifiée par des observateurs de prélude à un procès fermé, suscite des critiques quant à son respect des garanties d’un procès équitable.
Selon des sources proches du dossier, cette procédure empêchera la présence des médias et des familles des accusés, soulevant des inquiétudes quant à la transparence du processus judiciaire. Des observateurs y voient une tentative des autorités d’éviter un débat public sur les accusations portées contre près de 40 personnes, dont des figures politiques telles qu’Abdelhamid Jelassi, Jaouhar Ben Mbarek, Ghazi Chaouachi, Issam Chebbi, Ridha Belhaj et Khayam Tourki.
Les avocats de la défense ont fermement condamné cette décision. Me Samir Dilou a déclaré que celle-ci « anéantit toutes les conditions d’un procès équitable », tandis que Me Mouna Bouali l’a qualifiée de « décision arbitraire et illégale ». Me Mokhtar Jemai a, quant à lui, souligné que « tenir un procès d’une telle importance à distance constitue une violation flagrante de la loi », insistant sur le caractère politique de cette affaire.
Dans un communiqué publié mercredi 26 février 2025, la défense des accusés a dénoncé cette décision, affirmant qu’elle « confirme l’absence de volonté de garantir un cadre propice à la révélation de la vérité ». Elle a également rejeté l’argument du « danger réel » invoqué pour justifier cette procédure, soulignant que les détenus n’ont rencontré aucun juge depuis plus de deux ans.
Par ailleurs, Sana Ben Achour, universitaire et militante, a critiqué sur sa page Facebook le recours à l’article 141 bis du Code de procédure pénale, qui prévoit la comparution à distance. Elle rappelle que cet article, ajouté par décret-loi en avril 2020 dans le contexte de la pandémie de COVID-19, est juridiquement caduc faute de ratification par l’Assemblée des représentants du peuple (ARP). Elle souligne également que toute décision de comparution à distance doit recueillir l’accord du prévenu, une condition non respectée dans cette affaire.
Alors que les appels se multiplient pour un procès public, la question demeure : cette procédure judiciaire vise-t-elle à garantir la justice ou à servir des intérêts politiques ?