Politique
Tunisie : démantèlement de camps de migrants subsahariens et début de rapatriements

Les autorités tunisiennes ont procédé, ce samedi, au démantèlement de camps abritant près de 7 000 migrants subsahariens en situation irrégulière dans les forêts du sud du pays, selon un responsable sécuritaire cité par Reuters. Des opérations de rapatriement forcé ont également été engagées, dans un contexte de crise migratoire croissante.
Démantèlement et rapatriements forcés
Un responsable de la Garde nationale, Houssem Eddine Jebabli, a indiqué que les forces de l’ordre, accompagnées d’équipes médicales et de la protection civile, avaient démantelé des camps dans la localité d’El Amra, relevant de la région de Sfax. Il a précisé que des arrestations avaient eu lieu en raison d’actes de violence et d’infractions commises par certains migrants. Les rapatriements forcés vers leurs pays d’origine ont débuté dès vendredi soir, tandis que des retours volontaires sont également organisés.
Une crise migratoire sans précédent
La Tunisie fait face à une vague migratoire exceptionnelle, avec des milliers de personnes originaires d’Afrique subsaharienne tentant de rejoindre l’Europe depuis ses côtes. Le député de Sfax, Tarek Mahdi, a affirmé que près de 20 000 migrants irréguliers étaient présents dans les zones d’El Amra et Jebeniana. Il a évoqué des inquiétudes concernant les naissances enregistrées parmi les migrantes, estimées à 6 000 sur une courte période.
Relocalisation controversée
Les migrants évacués ont été redirigés vers des terres domaniales, dont la zone agricole de « Henchir Sris », connue pour sa production d’olives. Mahdi a nié les rumeurs d’une dispersion des migrants dans d’autres régions, soulignant que les solutions actuelles se limitent à des sites sous surveillance sécuritaire. Il a insisté sur l’absence d’alternatives immédiates, tout en reconnaissant les défis posés par cette situation.
Cette opération s’inscrit dans une stratégie visant à réduire la pression migratoire, mais elle soulève des questions sur les conditions d’accueil et les droits des migrants. Les autorités tunisiennes maintiennent leur approche sécuritaire, malgré les critiques des organisations de défense des droits humains.
Etude du BIC
Les migrants subsahariens en Tunisie sont confrontés à une série de difficultés systémiques, allant de l’accès limité au marché du travail à la discrimination raciale et aux obstacles en matière de santé. Selon un rapport du Brussels International Center (BIC), ces vulnérabilités sont exacerbées par des politiques publiques lacunaires et un racisme structurel.
Accès entravé au marché du travail
Le cadre juridique tunisien favorise une « préférence nationale », limitant l’accès des étrangers à l’emploi régulier. En 2017, les migrants subsahariens ne représentaient que 4 % des permis de travail accordés, contre 40 % pour les ressortissants d’Europe de l’Ouest, selon une étude citée par le BIC. Cette disparité s’explique en partie par les investissements étrangers, la France détenant à elle seule 34 % des capitaux investis en Tunisie.
Discrimination raciale et conditions de vie précaires
Une loi de 2018 criminalise les discriminations raciales, mais elle reste inapplicable pour les migrants en situation irrégulière, majoritaires parmi les Subsahariens. Une enquête du FTDES révèle que 89,6 % d’entre eux ont subi des insultes, et 33,9 % des violences physiques. Les conditions de logement sont également critiques, avec des habitations insalubres et des loyers abusifs.
Droit à la santé précaire
Aucun texte ne garantit explicitement l’accès aux soins pour les migrants. Durant la pandémie de COVID-19, l’absence de communication multilingue et de mesures spécifiques a aggravé leur exclusion. Des grèves de la faim, comme celle du centre d’El Quardin en 2020, ont mis en lumière les carences du système.
Recommandations
Le BIC propose plusieurs mesures, dont la réforme des politiques d’attribution de permis de travail, la création de cellules policières spécialisées pour les plaintes des migrants, et l’inclusion explicite du droit à la santé dans la Constitution. Une collaboration entre l’État, la société civile et les consulats est essentielle pour une approche inclusive.
La situation des migrants subsahariens en Tunisie reflète des défis structurels nécessitant des réponses coordonnées. Sans une réforme profonde, leur vulnérabilité risque de persister.

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