Politique
Tunisie : L’emprisonnement de Sihem Bensedrine, un coup dur pour la vérité et la dignité

Le pouvoir exécutif, avec ses bras sécuritaire et judiciaire, renie la vérité et la dignité
La coalition civile défendant la justice transitionnelle et l’ensemble des organisations de la société civile ont reçu le 1er août, avec indignation et colère, la nouvelle de l’emprisonnement de la militante des droits humains et présidente de l’Instance Vérité et Dignité.
En effet, le renvoi et la poursuite judiciaire de Mme Sihem Bensedrine sur la base d’accusations malveillantes s’inscrivent non seulement dans un contexte politique marqué par l’étouffement de toutes les voix libres, opposantes et des défenseurs des droits, mais visent également à discréditer le rapport final de l’Instance. Ce rapport avait pour but de démanteler le système de corruption et de despotisme, afin de blanchir les bourreaux des régimes précédents, d’assurer leur impunité et de priver les victimes de leurs droits humains fondamentaux à la dignité et à la réhabilitation.
Ce renvoi en justice constitue en soi une violation de la loi organique n°53 de 2013, datée du 24 décembre 2013, relative à l’instauration de la justice transitionnelle et son organisation, notamment son article 96 qui interdit la poursuite judiciaire des membres de l’Instance sur la base du contenu du rapport final.
Ce renvoi et ce harcèlement judiciaire révèlent une tendance vengeresse d’un régime qui a décidé d’utiliser tous ses appareils pour engager des poursuites contre les défenseurs des droits humains, face à l’inaction judiciaire envers les bourreaux. La justice du pouvoir exécutif a délibérément et systématiquement entravé environ 205 affaires que l’Instance avait renvoyées devant la justice contre 1500 personnes (dont 1200 appartenant au ministère de l’Intérieur), accusées des violations les plus graves telles que l’homicide volontaire, la torture, la disparition forcée, l’atteinte aux biens publics, entre autres.
La coalition civile, avec toutes ses composantes et ses partenaires associatifs et organisationnels, avait déjà exprimé ses craintes quant aux nombreuses tentatives de l’État de clore le dossier de la justice transitionnelle avant et après le 25 juillet 2021.
Depuis que le président de la République a pris les rênes du pouvoir, il n’a cessé de revenir sur tous les acquis de la révolution, notamment une mémoire nationale marginalisée dans une constitution qui a totalement renié le processus de justice transitionnelle. L’État a également cherché à créer un processus parallèle à travers la loi de réconciliation pénale, niant le droit des victimes à la justice et à la réhabilitation, et en paralysant les chambres judiciaires spécialisées après des transferts judiciaires arbitraires. De plus, les promotions répétées de personnes accusées de violations durant la dictature, voire l’implication de certaines d’entre elles dans la rédaction d’une constitution unilatérale, constituent autant de tentatives multiples et répétées de renier l’histoire du pays.
Par conséquent, la coalition civile défendant la justice transitionnelle et les organisations de la société civile tiennent à exprimer :
- Leur condamnation et leur dénonciation du harcèlement judiciaire auquel fait face la présidente de l’Instance, Sihem Bensedrine, dans le cadre de ses fonctions et attributions au sein de l’Instance, ainsi que l’interdiction de voyager qui lui a été imposée, suivie d’un mandat de dépôt en prison.
- Leur solidarité absolue et inconditionnelle avec la militante présidente de l’Instance Vérité et Dignité, Sihem Bensedrine, et leur demande d’arrêter les poursuites infondées à son encontre, d’autant plus qu’elles violent ouvertement la loi sur la justice transitionnelle de 2013 dans son article 69.
- Leur condamnation de la poursuite par l’État, à travers tous ses appareils et fonctions, d’une politique d’enterrement des acquis de l’État, de déni de justice pour les victimes et de ciblage manifeste de tous ceux qui ont œuvré pour la responsabilisation des bourreaux, face à une impunité totale pour tous ceux qui ont volé, pillé, torturé et tué le peuple tunisien pendant des décennies.
- Leur dénonciation de l’instrumentalisation de la justice selon les demandes et l’humeur du pouvoir et des calculs électoraux, non pas pour poursuivre les bourreaux, mais pour poursuivre et harceler les défenseurs et défenseuses des droits humains, les anciens présidents des instances dans toutes leurs spécialités, ainsi que les acteurs et actrices des domaines civil et politique.

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