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Tunisie : à Gabès, la grève générale contre un « terrorisme écologique » qui tue en silence
Aujourd’hui, la ville de Gabès, au sud de la Tunisie, est complètement bloquée par une grève d’une ampleur sans précédent. Sur l’initiative de l’Union générale tunisienne du travail (UGTT), les habitants manifestent leur ras-le-bol face à une grave catastrophe écologique, causée par les rejets polluants du Groupe chimique tunisien (GCT). Cette action, massivement suivie (95% selon les syndicats), est le point culminant d’une colère accumulée depuis des années contre un site industriel tenu responsable de la pollution de l’air, de la mer et de l’intoxication des habitants.
À Gabès, une ville côtière autrefois florissante, une crise environnementale et de santé publique persistante étouffe la population. Le Groupe Chimique Tunisien (GCT), une usine établie en 1972, transforme le phosphate en produits chimiques et engrais, mais déverse des déchets dangereux – gaz nocifs et phosphogypse toxique et légèrement radioactif – directement dans l’environnement sans aucun traitement.
Les habitants souffrent de problèmes respiratoires, de maladies de peau et de cancers. En septembre-octobre 2025, des fuites de gaz ont provoqué des crises d’étouffement chez des dizaines d’élèves, dont certains ont dû être hospitalisés en urgence.
Malgré les promesses de l’État de démanteler les installations polluantes dès 2017, rien n’a été fait. En 2025, le gouvernement a annoncé un nouveau plan pour stopper les rejets de phosphogypse en mer, mais les habitants, lassés des fausses promesses, restent méfiants.
La société civile, qui manifeste pacifiquement depuis septembre 2025, est réprimée avec des arrestations massives et de la brutalité policière. Des dizaines de personnes ont été arrêtées, dont des mineurs, et certaines ont été accusées de terrorisme. Un défenseur des droits humains, Mohamed Ali Rtimi, a été arrêté, torturé et accusé de terrorisme après avoir aidé un manifestant blessé. Sa mère et d’autres militants sont également harcelés et intimidés.
Le GCT emploie 4 000 personnes dans une région où le chômage est élevé, ce qui représente une part importante des emplois locaux. Cette dépendance économique rend difficile la mise en œuvre d’une transition vers des pratiques plus propres. Cependant, les manifestants insistent sur le fait qu’ils ne veulent pas choisir entre l’emploi et la santé.
Les manifestants demandent la fermeture immédiate des installations polluantes du GCT, la libération des personnes arrêtées et l’application des promesses de l’État en matière de justice environnementale. Bien que le président ait reconnu la gravité de la situation, la population reste méfiante et se sent abandonnée.
Gabès, autrefois un havre de paix, est aujourd’hui le symbole d’une catastrophe écologique et d’une lutte pour la dignité. La grève d’octobre 2025 pourrait marquer un moment décisif, mais les espoirs sont tempérés par un long historique de promesses brisées. L’avenir dépendra de la capacité des autorités à agir concrètement et à cesser de privilégier les profits industriels au détriment de la vie et de l’environnement.

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